Parlons-nous du premier jour de la rentrée scolaire, de la première heure même, face à sa première classe d’élèves, ce qui était pour moi, au collège.
Comme toute chose que l’on fait pour la première fois, on ressent une vague d’émotions différentes : la peur, la joie, l’angoisse, la curiosité, le bonheur, le soulagement d’y être enfin arrivé et bien sûr le syndrome d’imposteur. Toutes ces années d’études, de travail, d’anticipation et d’attente ont été pour ce moment-là. Tandis que c’est un moment bien rempli d’un sentiment d’accomplissement, même malgré ses peurs, on ne peut pas nier le fait qu’il y ait également une grande pression. Vais-je aimer ce métier vraiment avec mes propres classes ? Puis-je vraiment le faire ? Serai-je un bon professeur ? Aimerai-je mes élèves et m’aimeront-ils ? Il y a de nombreuses questions qui se tournent en boucle et pour moi c’était surtout la peur de commettre une erreur qui m’avait un peu terrorisé ce jour-là. Et si je commets une erreur sur l’appel ? Et si le projecteur ne marche pas correctement ? Et si je fais beuguer l’ordinateur ? Et si je clique sur le mauvais bouton ? Et si je ne prononce pas correctement les prénoms de mes élèves ? Et si je ne prononce pas correctement un mot en français et ils ne me comprennent pas ? Je me rappelle très clairement les premiers instants avant la sonnerie qui accueillerait ma première classe. J’avais hâte de découvrir les visages et les personnalités des élèves que j’aurais en responsabilité toute l’année mais je ne me suis pas sentie légitime de les prendre. Je ne suis même pas française, comment est-ce que je peux les enseigner ? J’ai dû me dire fermement que j’étais bien là pour une raison, que je n’avais pas ce poste par hasard et que malgré tout qui pourrait m’arriver, ça irait. Que tout aille bien. Sur ce, j’ai ouvert la porte pour dire bonjour aux élèves qui m’attendaient dans le couloir.
Je pense que j’ai dû trembler toute la première semaine. Mes collègues étaient très sympas et m’avaient accueillie très chaleureusement, le collège n’était pas très loin de chez moi et il était tout neuf et mes élèves…. Bah alors je les adorais mais ils étaient difficiles à gérer. Je n’avais que deux classes de cinquième pourtant il s’avérait que j’avais tous les élèves compliqués. Les autres professeurs de mes deux classes étaient autant en galère que moi et ils étaient expérimentés ; même si c’était rassurant de savoir que je n’étais pas complètement un échec, il n’y avait personne pour m’apporter des solutions pour faciliter la gestion de classe de ces soixante élèves bruyants, agités, de mauvaise foi et pourtant gentils. On peut affirmer sans se tromper que je ne me suis jamais sentie aussi en difficulté, aussi perdue et aussi dépassée que devant mes premières classes. Je suis quelqu’un qui a toujours réussi à l’école, première de la classe, et me voici en position d’échec. Et ce n’était que le premier jour.
Je ne savais pas lors de mon premier jour au collège en tant que professeure, qu’après ce jour, j’aurais des dizaines d’heures de cours où je voulais tout plaquer. Des cours qui me démoralisaient tellement que je voulais même quitter le pays pour rentrer chez moi et ne plus jamais revenir. Mais je ne savais pas non plus que j’aurais des cours où je m’épanouissais devant des élèves qui m’appréciaient tellement même s’ils ne me le montraient pas tout le temps. Des cours où des élèves me laisseraient des mots au tableau pour me dire qu’ils m’aimaient et me trouvaient belle, des cadeaux avant Noël, des lettres écrites à la main pour me remercier. Et je ne savais surtout pas ce premier jour de la rentrée à quel point je changerais, à quel point je deviendrais plus forte, plus confiante en moi, plus responsable, plus mature, plus résiliente et plus joyeuse. Souvent on n’apprécie le trajet qu’une fois la destination atteinte et c’est vraiment ce qui s’est passé pour moi. Il est difficile de commencer quelque chose de nouveau, surtout quand il faut faire face à beaucoup d’obstacles (et j’en avais un tas), et il est très facile de se comparer à tout le monde autour de nous. Mais il ne faut pas oublier que tout le monde était débutant à un moment donné, que tout le monde était en galère comme nous.
Si j’avais cinq conseils à donner aux stagiaires, aux nouveaux enseignants, ou simplement à tout débutant, je dirais :
- N’aie pas peur de commettre des erreurs. C’est la seule façon d’apprendre. Cocher la mauvaise case sur l’appel fâcherait peut-être la vie scolaire mais ce n’est vraiment pas la fin du monde. Ni les fautes de frappe laissées dans la trace écrite. Ni les messages un peu maladroits aux parents tapés sur Pronote à 23h le soir.
- Sache que tu es légitime. Tu es légitime comme tous les autres professeurs de l’établissement sont légitimes. En vrai, personne ne sent légitime, même après cinquante ans de carrière, mais tu es au même statut qu’eux, stagiaire ou non. Tu peux prendre des décisions, donner des sanctions et féliciter les élèves sans demander l’avis de quelqu’un d’autre. Tu feras tout ça pour toi parce que tu l’as décidé en tant que professeur(e).
- Il faut vraiment aimer ce métier pour pouvoir le faire car ce n’est vraiment pas facile. Ce n’est pas ce qu’ils nous disent à la fac ou dans les films. On est face aux vraies personnes avec des histoires compliquées, parfois accablantes, qui ont besoin de nous de non seulement leur apprendre notre matière mais de leur montrer le bon chemin, de les aimer. Et cela n’est vraiment pas facile quand ce sont des adolescents qui ne savent pas comment contrôler leurs émotions.
- Ne baisse pas les bras, n’abandonne pas, peu importe ce qui t’arrive, sauf si cela commence trop à t’impacter. Il faut penser à toi avant tes élèves. Tes élèves peuvent survivre sans des flashcards plastifiés et découpés à la main, je t’assure. Mais n’abandonne pas tes efforts avant d’avoir tout essayé dans les moments les plus difficiles. Il y a toujours une solution quelque part, même face aux défis les plus impossibles de résoudre.
- Arrive tous les jours en établissement en t’attendant au mieux. Arrive avec le sourire aux lèvres, dit bonjour à tout le monde que tu croises pendant ton chemin, que tu les connaisses ou non, trouve la force en toi d’aller en cours avec l’attente que tout va bien se passer et que tu vas réussir. Il faut être optimiste et garder la morale pour ce métier car sinon on peut très facilement se perdre dans les manques, les difficultés et la tristesse qui se cachent partout dans ce métier.
Il y a plein de choses que j’aurais adoré savoir lors de mon premier jour qui m’auraient aidé à me sentir plus prête. Cependant, on peut avoir toutes les connaissances au monde et ce n’est pas jusqu’à ce qu’on essaie vraiment pour nous-mêmes et que l’on le fasse, que l’on apprend vraiment. Je n’ai jamais autant appris que pendant ma première année d’enseignement. C’est un beau métier avec des côtés très moches aussi mais cela vaut la peine de continuer si enseigner est vraiment la chose qui vous est importante. Je sais que je n’arrêterai jamais d’apprendre et j’ai hâte de voir où mon chemin m’emmènera.
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